Jean MISTRALLe père de Jean,
François-Joseph MISTRAL dit Thibaudeau (il y avait tellement de
MISTRAL qu'ils avaient tous des surnoms; celui-ci est le nom d'un
préfet de Marseille, qui avait du fuir la ville
déguisé, à la Restauration), né le 20
février 1792 à Saint-Rémy-de-Provence, avait
été soldat de la Grande Armée et avait ainsi
découvert la Prusse, la Pologne, la Russie. Rentré au
pays, il devient le plus riche industriel de
Saint-Rémy-de-Provence (300 ouvrières dans ses fabriques)
en exploitant d'une main de fer et en exportant dans toute l'Europe des
chardons (plus exactement des cardères à foulon),
meilleurs
pour carder la laine que n'importe quel autre instrument.
Marié le 25 février 1813
à Madeleine RAYMOND, ils ont 3 enfants: Jean en 1814, Louise en
1815 et Désiré en 1820 qui décède en 1821.
Jean étant le seul fils, il doit
être formé pour prendre la succession et est envoyé
visiter les correspondants
de son père en Allemagne et en Pologne. C'est là qu'il
tombe
amoureux d'une jolie polonaise, Christina Wilhelmina DOMBROWSKA, qu'il
épouse
à Varsovie en juillet 1837, sans en demander la permission
à
son père. Il avait 23 ans. Et la majorité légale
était
à 25 ans!
Malgré les supplications de son fils,
Thibaudeau refuse ce mariage et lui coupe les vivres. Les jeunes
mariés doivent rentrer à pied de Varsovie, jouant de la
guitare pour trouver à manger. Ils arrivent à
Saint-Rémy en août 1838, épuisés, elle est
enceinte.
Entre-temps, Thibaudeau a réussi
à faire annuler le mariage par un Tribunal de Paris (pour
éviter les mauvaises langues de Saint-Rémy). A leur
arrivée, il enferme Jean dans sa maison et refuse de recevoir
Christina. Puis il fait déclarer Jean atteint de "monomanie
mélancolique" (c'est le terme officiel) par un médecin de
ses relations, et le fait interner grâce à l'article 8 de la nouvelle loi
de Juin 1838 [1] (qui permet de faire interner un
membre de sa famille sur simple présentation d'un certificat
médical), d'abord à Marseille puis plus tard (1852)
à Montpellier. En décembre 1839, Jean est
déclaré "interdit" par le tribunal d'Aix-en-Provence et
le Conseil de Famille nomme son père (bien sur) comme tuteur.
Apres avoir tentée de se battre,
aidée par le petit peuple de Saint-Rémy, Christina sera
finalement expulsée de France en Mars 1840 et on n'entendra plus
jamais parler d'elle, ni de son
enfant.
En 1840, Louise, la soeur de Jean,
épouse, Auguste-André BERNARD. Bien entendu, le mariage a
été décidé par le père Thibeaudeau,
qui a besoin d'un homme pour lui succéder à la tête
de l'entreprise, et qui fait indûment prendre au nouveau couple
le nom de MISTRAL-BERNARD (il faut bien continuer le nom!).
En 1868 Thibaudeau meurt. L'héritage
est partagé entre Louise et Jean, qui devient donc très
riche (on parle de 60 millions de francs de l'époque). Mais Jean
est toujours enfermé à Montpellier et c'est
Auguste-André MISTRAL-BERNARD, son beau-frère, qui
s'occupe de l'entreprise. Et qui devient le tuteur légal de Jean
et gère sa fortune, alors qu'il en est déjà l'héritier!
A cette époque, un
dénommé Pierre FOURNIER, un cousin par alliance,
s'intéresse à l'histoire de Jean et va pousser les
journaux, les intellectuels parisiens, les sommités
médicales à s'emparer de "l'Affaire MISTRAL" et à évoquer Le Fou aux Cent Millions.
En 1882, François-Joseph
MISTRAL-BERNARD, le fils de Louise, devient le tuteur de son oncle. En
1883, un procès a lieu à Tarascon. En 1884, un autre
à Aix-en-Provence. En 1886,
encore un à Tarascon où, pour la première fois est
convoqué
Jean. Sans doute trop perturbé par cette première sortie
de
l'asile depuis 48 ans (on parlera aussi d'empoisonnement), il meurt
quelques
semaines plus tard alors que le Tribunal semblait vouloir lui donner
raison.
L'article 8 de la loi de 1838 sera abrogée quelque
temps après.
(Le titre de cette page, ainsi qu'une bonne
partie du contenu, est basé sur le livre de Jean-Paul
Clébert, L'Amour, l'Argent et la Folie, l'Affaire Jean
MISTRAL, 1830-1890 publié chez Lattès en 1982).
[1] Loi N° 7443 du 30 juin 1838 |
Jean MISTRAL (1814-1899), fils de François Joseph, dit THIBAUDEAU, et de Madeleine RAYMOND, est 6 fois mon cousin, par nos ancêtres communs Jean MISTRAL et Aisné VIOLAND, Claude PIQUET et Claude GUILHOTE, Claude CHABANIÈRE et Marguerite REBOULE. |